"la piste fraîche du jupon"

À Séville cet été, j'ai vu des portraits de Don Juan. Des gravures représentant un homme élégant, le menton altier, entouré de femmes aux regards énamourés. J’ai découvert à cette occasion que ce mythe était d’origine sévillane, il n'est jamais trop tard pour se cultiver. Mais c'est une vieille histoire, et les Don Juan traversent les siècles avec toujours autant de légèreté.

Je suis touchée depuis longtemps par la chanson de Claude Nougaro, qui peint si justement ces "coureurs impénitents". Le panache, la séduction, le plaisir, mais aussi la douleur, voilà ce que m'évoquent les Don Juan, car j'ai en moi une plaie ancienne, une blessure d'enfant qui aurait voulu pouvoir protéger sa maman.

Les Don Juan célibataires mènent leurs vies comme un jeu, jouissant et esquivant les contraintes. Mais d´autres s'engagent auprès d´une femme et construisent avec elle une jolie famille, dont ils sont fiers. Ils aiment ces têtes blondes, chair de leur chair, mais cela ne leur suffit pas. Malgré leurs promesses, ces éternels insatisfaits ont besoin de combler un manque en collectionnant les admiratrices et les amitiés amoureuses. Briller dans les yeux des femmes les fait exister, il leur faut conquérir pour se sentir fort et désiré. Qu'importe que leurs femmes, blessées, pansent leurs plaies. Qu'importe que leurs enfants impuissants tentent de consoler leurs mères. Ils sont charmeurs, irrésistibles, et s'octroient sans sourciller quelques heures de liberté, de baisers volés, faiblesse de la chair et de l'égo. S’encanailler dans de délicieuses liaisons au goût d’interdit, rien de dramatique me direz-vous, sauf que ces jeux amoureux ont un prix, que paient les épouses et les enfants. « L’important c’est qu’il revienne » disait ma mère pour se rassurer. Sauf qu'il arrive que "le coeur s'accroche aux épines d'une jolie fleur"...